L’EGLISE EST UNE
A. S. Khomiakov
I – Unité de l'Église
L'unité de l'Église découle nécessairement de l'unité de Dieu; car l'Église n'est pas une multitude de personnes dans leur individualité séparée, mais l'unité de la grâce de Dieu, vivant dans la multitude des êtres doués de raison, se soumettant volontairement d'elles-mêmes à la grâce. La grâce, en effet, est aussi donnée à ceux qui y résistent, et à ceux qui n'en font nul usage (qui enfouissent leur talent dans la terre; Mt 25,25), mais ceux-là ne sont pas dans l'Église. En fait, l'unité de l'Église n'est pas imaginaire ou allégorique, mais c'est une véritable et substantielle unité, telle que celle entre les divers membres d'un même corps vivant.
L'Église est une, nonobstant ses divisions telles qu'elles apparaissent à l'homme qui vit encore sur terre. Ce n'est qu'en parlant de l'homme qu'il est possible de reconnaître une division de l'Église entre visible et invisible; son unité est, en réalité, véritable et absolue. Ceux qui vivent sur terre, ceux qui ont achevé leur parcours terrestre, ceux qui, tels des Anges, n'ont pas été créés pour une vie sur terre, ceux des futures générations qui n'ont pas encore entamé leur parcours terrestre, tous sont unis, ensemble dans l'Église une, en une et même grâce de Dieu; car Dieu connaît jusqu'à l'être qui n'a pas encore été créé; et Dieu entend les prières et connaît la Foi de ceux qu'Il n'a pas encore appelés du non-être à l'être. En effet, l'Église, le Corps du Christ, se manifeste et s'épanouit dans le temps, sans changer son unité essentielle ou sa vie intérieure de grâce. Et c'est pourquoi lorsque nous parlons "d'Église visible et invisible", nous n'en parlons qu'en ce qui concerne la relation à l'homme.
II – L'Église visible et invisible
L'Église visible, ou terrestre, vit en communion et unité parfaite avec l'entièreté du corps de l'Église, dont le Christ est la Tête. Le Christ et la grâce du Saint Esprit demeurent en elle, dans toute leur vivante plénitude, mais pas dans la plénitude de leur manifestation, car elle agit et ne sait pas en plénitude, mais seulement dans la mesure où il plaît à Dieu.
Dans la mesure où l'Église terrestre et visible n'est pas la plénitude et la totalité de l'Église entière que le Seigneur a fixée à comparaître au Jugement final de toute la Création, elle agit et connaît seulement au sein de ses propres limites; et (selon les paroles de l'Apôtre Paul, en 1 Corinthiens 5,12), elle ne juge pas le restant de l'humanité, et ne fait que regarder vers ceux qui sont exclus, c'est-à-dire, qui n'en font pas partie, qui s'excluent d'eux-mêmes. Le restant de l'humanité, qu'il soit étranger à l'Église, ou unit à elle par des liens que Dieu n'a pas voulu lui révéler, elle le laisse au Jugement du Grand Jour. L'Église terrestre ne se juge qu'elle-même, selon la grâce de l'Esprit, et la liberté qui lui est accordée par le Christ, invitant aussi le restant de l'humanité à l'unité et à accepter la filiation divine par le Christ; mais envers ceux qui n'écoutent pas son appel, elle ne prononce pas de sentence, connaissant le Commandement de son Sauveur et Chef [explicité par l'Apôtre Paul], "Qui es-tu, toi, pour te poser en juge du serviteur d'autrui" (Rom. 14,4).
III – L'Église sur terre
Depuis la Création du monde, l'Église terrestre a été de manière ininterrompue sur terre, et continuera de l'être jusqu'à l'accomplissement de toutes les œuvres de Dieu, selon la promesse que Dieu Lui-même lui a faite. Ses caractéristiques sont : la sainteté intérieure, qui ne permet pas le moindre mélange avec l'erreur, car l'Esprit de vérité vit en elle; et l'immuabilité extérieure, car immuable est son Protecteur et Chef, le Christ.
Toutes les caractéristiques de l'Église, qu'elles soient internes ou externes, ne sont reconnues que par elle-même, et par ceux que la grâce appelle à en être membres. En effet, pour ceux qui lui sont étrangers, et ne sont pas appelés à elle, ces caractéristiques sont incompréhensibles; car pour des gens comme ces derniers, le changement extérieur du rite semble être un changement de l'Esprit lui-même, qui est glorifié dans le rite (comme, par exemple, dans la transition de l'Église de l'Ancien Testament à celle du Nouveau Testament, ou dans le changement de rites ecclésiastiques et ordonnances depuis les temps Apostoliques). L'Église et ses membres connaissent, par la connaissance intérieure de la Foi, l'unité et l'immuabilité de leur esprit, Qui est l'Esprit de Dieu. Mais ceux qui sont au dehors et ne sont pas appelés à en faire partie, ils voient et connaissent les changements à un rite externe par une connaissance extérieure, qui n’atteint pas l’intérieur, de même que l'immuabilité de Dieu leur paraît changée dans les changements de Sa création. Dès lors, l'Église n'a pas pu ni n'aurait pu changer ou être confuse, ni n'aurait pu chuter, car dès lors elle aurait été privée de l'Esprit de vérité. Il est impossible qu'il aie pu avoir un moment où elle aurait pu avoir accepté l'erreur en son sein, ou un temps où le laïcat, le clergé et les évêques se seraient soumis à des instructions ou des enseignements en contradiction avec les enseignements et l'Esprit du Christ. Celui qui prétendrait qu'un tel affaiblissement de l'Esprit du Christ pourrait être possible en elle ne connait rien à l'Église, et prouve par là qu'il lui est étranger. De plus, une révolte partielle contre de fausses doctrines, en même temps que la conservation ou l'acceptation d'autres fausses doctrines, ni ne sont ni ne pourraient être l'œuvre de l'Église; car en elle, selon sa véritable essence, il doit toujours y avoir eu des prédicateurs et enseignants et martyrs confessant non pas la vérité partielle mêlée à l'erreur, mais la vérité pleine et inaltérée. L'Église ne connait rien de la vérité partielle et de l'erreur partielle, mais uniquement l'entièreté de la vérité sans mélange avec de l'erreur. Et celui qui vit au sein de l'Église ne se soumet pas à de faux enseignements ni ne reçoit de Sacrements d'un faux enseignant; le sachant dans l'erreur, il ne voudra pas suivre ses faux rites. Et l'Église elle-même ne se trompe pas, car elle est vérité, elle est incapable de fourberie ou de lâcheté, car elle est sainte. Et bien entendu, l'Église, par son immuabilité même, ne reconnaît pas comme erreur ce qu'elle a auparavant reconnu comme vérité; et ayant proclamé dans un Concile Général et par consentement unanime, qu'il est possible pour n'importe qui, laïc, ou évêque ou patriarche (1) de se tromper dans son enseignement, elle ne peut pas reconnaître que tel laïc ou évêque ou patriarche ou un de leur successeur serait incapable de tomber dans l'erreur d'enseignement; ou qu'il serait préservé de s'en éloigner par une grâce spéciale. Par quoi donc est-ce que la terre pourrait être sanctifiée, si l'Église venait à perdre sa sainteté? Et où y serait la vérité, si ses jugements de demain devaient être contraires à ceux d'aujourd'hui? Au sein de l'Église, c'est-à-dire, au sein de ses membres, des fausses doctrines peuvent être engendrées, mais alors les membres infectés en sortent, constituant un schisme ou une hérésie, et ne souillant plus la sainteté de l'Église.
(1) Comme par exemple ce pape de Rome, Honorius, dont l'enseignement fut condamné au 6ème Concile Œcuménique.
IV – Une, Sainte, Catholique et Apostolique
L'Église est appelée Une, Sainte, Catholique et Apostolique; parce qu'elle est Une, et Sainte; parce qu'elle appartient au monde entier, et pas à une localité donnée; parce que par elle sont sanctifiés toute l'humanité et toute la terre, et non pas rien qu'un seul peuple ou pays; parce que son essence même consiste en l'accord et l'unité d'esprit et de vie de tous ses membres, ceux qui la confessent par toute la terre; et enfin, parce que dans les écrits et doctrines des Apôtres est contenue la plénitude de sa Foi, son espérance et son amour.
Il en résulte que lorsque quelque société est appelée l'Église du Christ, avec l'adjonction d'un nom local, tel qu'Église Grecque, Russe ou Syrienne, cette appellation ne signifie rien de plus que l'assemblée des membres de l'Église vivant dans cet endroit précis, à savoir la Grèce, la Russie ou la Syrie; et cela n'implique pas le présupposé qu'une seule communauté de Chrétiens serait à même de formuler la doctrine de l'Église, ou de donner une interprétation dogmatique à l'enseignement de l'Église sans l'accord à cet égard avec les autres communautés; et cela implique encore moins que quelque communauté particulière que ce soit, ou son pasteur, puisse imposer aux autres sa propre interprétation. La grâce de la Foi est inséparable de la sainteté de vie, et une seule communauté précise ou un seul pasteur ne peut être reconnu comme étant le gardien de l'entièreté de la Foi de l'Église, ni une seule communauté ou un seul pasteur être considéré comme représentant l'entièreté de sa sainteté. Cependant, chaque communauté Chrétienne, sans s'arroger le droit de l'explication ou de l'enseignement dogmatique, a pleinement le droit d'en changer ses rites et cérémonies, et d'en introduire de nouvelles, pour autant que cela n'offense pas les autres communautés. Plutôt que de risquer cela, elle devrait abandonner sa propre opinion et se soumettre à celle des autres, pour peu que ce qui pourrait sembler sans danger ou même digne de louange pour l'un, pourrait sembler blâmable par l'autre; ou que le frère pourrait amener son frère au péché de doute et à la discorde. Tout Chrétien devrait estimer au plus haut point l'unité dans les rites de l'Église : car ainsi est manifestée, même pour le non-éclairé, l'unité d'esprit et de doctrine, en même temps que pour celui qui est éclairé, cela devient une source de vivante joie Chrétienne. L'amour est la couronne et la gloire de l'Église.
V – Écriture et Tradition
L'Esprit de Dieu, Qui vit dans l'Église, la dirigeant et l'instruisant, Se manifeste en elle de diverses manières; dans l'Écriture, dans la Tradition, et dans les Œuvres; car l'Église, qui accomplit les œuvres de Dieu, est la même Église qui conserve la tradition et qui a rédigé les Écritures. Ce ne sont pas les personnes ni une multiplicité de personnes dans l’Église qui conservent la Tradition ou composent les Écritures; mais bien l'Esprit de Dieu, Qui vit dans l'entièreté du corps de l'Église. Dès lors, il n'est ni correct ni possible de rechercher les fondements de la Tradition dans l'Écriture, ni la preuve de l'Écriture dans la Tradition, ni la justification de l'Écriture ou de la Tradition dans les œuvres. Pour celui qui vit hors de l'Église, ni l'Écriture ni la Tradition ni les œuvres ne sont compréhensibles. Mais pour celui qui vit au sein de l'Église et est en communion avec l'esprit de l'Église, leur unité est manifestée par la grâce qui vit en dans l'Église.
Les œuvres ne précèdent-elles pas l'Écriture et la Tradition? La Tradition ne précède-t-elle pas l'Écriture? Les œuvres de Noé, d'Abraham, des patriarches et représentants de l'Église de l'Ancien Testament n'étaient-elles pas agréables à Dieu? N'existait-il pas une tradition parmi les patriarches, à commencer par Adam, l'ancêtre de tous? Le Christ n'a-t'Il pas donné la liberté aux hommes et l'enseignement verbal, avant que les Apôtres, par leurs écrits, ne portent témoignage de l'œuvre du Salut et de la loi de la liberté? Dès lors, il n'y a pas de contradiction entre la Tradition, les œuvres et l'Écriture, mais au contraire, accord parfait. Ne comprendra les Écritures que celui qui garde la Tradition, et accomplit des œuvres qui sont agréables à sa sagesse qui vit en lui. Mais la sagesse qui vit en lui ne lui est pas donnée à titre personnel, mais en tant que membre de l'Église, et elle lui est donnée en partie, sans annuler en même temps son erreur personnelle; mais à l'Église est donnée la plénitude de la vérité et sans mélange d'erreur. Dès lors, il ne doit pas juger l'Église, mais s'y soumettre, car la sagesse ne pourrait provenir de lui.
Quiconque cherche la preuve de la vérité de l'Église, par cet acte même montre son doute, et s'exclut de lui-même de l'Église; ou [quiconque] prend l'apparence de celui qui doute et en même temps garde espoir de prouver la vérité, et d'y parvenir par sa propre puissance de raisonnement : mais la puissance de la raison ne sait pas atteindre la vérité de Dieu, et l'impuissance de l'homme est manifestée par l'impuissance de ses preuves. Celui qui ne prend que les Écritures, et ne fonde l'Église que sur elles, rejette en réalité l'Église, et espère la refonder par ses propres forces; celui qui ne prend que la Tradition et les œuvres, et minimise l'importance de l'Écriture, rejette en fait de la même manière l'Église, et il s'établit juge de l'Esprit de Dieu, Qui a parlé par l'Écriture. Car pour le Chrétien, la connaissance n'est pas matière à investigation intellectuelle, mais de foi vivante, qui est un don de la grâce. L'Écriture est externe, et la Tradition est externe, et les œuvres sont externes : ce qui est en elles c'est l'unique Esprit de Dieu. D'une Tradition prise seule, ou de l'Écriture seule ou des œuvres seules, on peut dériver vers une connaissance externe et incomplète, qui peut en effet contenir en elle-même une vérité, car elle part de la vérité, mais en même temps doit nécessairement être erronée, vu qu'elle est incomplète. Le croyant connaît la Vérité, l'incroyant ne la connaît pas, ou ne la connaît que d'une connaissance extérieure et imparfaite (2). L'Église ne se démontre pas plus elle-même que l'Écriture ou la Tradition ou les œuvres, mais elle se rend témoignage à elle-même comme l'Esprit de Dieu, Qui vit en elle, Se rend témoignage dans les Écritures. L'Église ne se demande pas : quelle Écriture est vraie, quelle Tradition est vraie, quel Concile est vrai, ou quelle oeuvre est agréable à Dieu : car le Christ connaît Son propre héritage, et l'Église dans laquelle Il vit connaît d'une connaissance intérieure, et ne sait pas ne pas connaître Ses propres manifestations. La collection des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, que l'Église reconnaît comme étant sienne, est appelée
"Sainte Écriture". Mais il n'y a pas de limite à l'Écriture; car tout écrit que l'Église reconnaît comme étant sien est Sainte Écriture. Et particulièrement le sont les Symboles de la Foi des Conciles Généraux, et en spécialement le Credo ou Symbole de Nicée-Constantinople. Dès lors, la rédaction de la Sainte Écriture a continué jusqu'à nos jours, et, s'il plaît à Dieu, il s'en écrira plus encore. Mais dans l'Église il n'y a jamais eu, ni jamais n'y aura la moindre contradiction, que ce soit dans l'Écriture, ou dans la Tradition ou dans les œuvres; car en toutes les trois vit le Christ, Qui est Un et immuable.
(2) Pour cette raison, même celui qui n'est pas sanctifié par l'Esprit de grâce peut connaître la vérité de la même manière que nous espérons que nous la connaissons : mais cette connaissance en elle-même n'est rien de plus qu'une hypothèse, plus ou moins fondée comme une opinion, une conviction logique ou une connaissance externe, qui n'a rien en commun avec la connaissance véritable et intérieure, avec la Foi qui voit l'invisible. Quant à savoir si nous avons la Foi ou non, c'est connu de Dieu Seul.
VI - Confession, Prière et Œuvres
Parce que l'Église est dirigée par l'Esprit Saint, Esprit de vie et de vérité, chacune de ses actions réunit tous les dons de l'Esprit : foi, espérance et amour. Car dans l'Écriture, il n'y a pas que la foi qui est manifestée, mais aussi l'espérance de l'Église et l'amour de Dieu; et dans les œuvres agréables à Dieu ne se manifeste pas uniquement l'amour, mais aussi la foi et l'espérance et la grâce; et dans la Tradition vivante de l'Église qui attend de Dieu son couronnement et son achèvement en Christ, ce n'est pas seulement l'espérance qui est manifestée, mais aussi la foi et l'amour. Les dons de l'Esprit Saint sont unis inséparablement en une unité sainte et vivante; mais de même que les œuvres agréables à Dieu appartiennent plus particulièrement à l'amour [charité], et la prière agréable à Dieu appartient davantage à l'espérance, ainsi une confession [Credo] agréable à Dieu appartient plus particulièrement à la foi, et le Credo de l'Église est dès lors appelé à juste titre la Confession ou le Symbole de la Foi.
Dès lors, il doit être compris que Credo, prières et œuvres ne sont rien en eux-mêmes, mais ne sont qu'une manifestation externe de l'esprit intérieur. C'est pourquoi encore celui qui plaît à Dieu, ce n'est ni celui qui prie, ni celui qui fait les œuvres, ni celui qui confesse le Credo que confesse l'Église, mais bien celui qui agit, qui confesse, qui prie selon l'Esprit du Christ qui vit en lui. Les hommes n'ont pas tous la même foi, la même espérance ou la même charité; car l'homme peut aimer ce qui est de la chair, fixer son espérance dans le monde, et confesser sa croyance dans un mensonge; il peut aussi aimer et espérer et croire mais pas pleinement, seulement partiellement; et l'Église appelle foi sa foi, et espérance son espérance, et charité sa charité, car il les appelle ainsi, et elle ne discutera pas avec lui sur les mots; mais ce qu'elle-même appelle foi, espérance et charité, ce sont les dons du Saint Esprit, et elle sait qu'ils sont vrais et parfaits.
VII – Le Credo
La Sainte Église confesse sa Foi par toute sa vie; par sa doctrine, qui est inspirée par le Saint Esprit; par ses Sacrements dans lesquels le Saint Esprit œuvre; et par ses rites, qu'Il dirige. Et le Symbole de Nicée-Constantinople est particulièrement appelé sa Confession de Foi.
Dans le Symbole de Nicée-Constantinople est comprise la confession de la doctrine de l'Église; mais afin qu'on puisse savoir que l'espérance de l'Église est inséparable de sa doctrine, il confesse en même temps son espérance; car il y est dit "j’attends" et non pas simplement "je crois en" la vie à venir.
Le Symbole de Nicée-Constantinople, la confession pleine et entière de l'Église, dont elle ne permet pas d'omettre quoi que ce soit ni ne permet d'y ajouter quoi que ce soit, est comme suit :
"Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, et de tout ce qui est visible et invisible. Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, engendré par le Père avant tous les siècles, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, et par Qui tout a été fait. Qui pour nous, hommes, et pour notre Salut, est descendu des cieux, S'est incarné du Saint Esprit et de la Vierge Marie, et S'est fait homme. Qui a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli, Qui est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures. Qui est monté aux cieux et siège à la droite du Père. Qui revient en gloire juger les vivants et les morts, et dont le règne n'aura pas de fin. Et en l'Esprit Saint, Seigneur, Qui donne la vie, Qui procède du Père, Qui, avec le Père et le Fils, est adoré et glorifié, Qui a parlé par les prophètes. En l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je confesse un seul Baptême pour la rémission des péchés. J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen."
Cette confession, tout comme toute la vie de l'Esprit, n'est compréhensible qu'à celui qui croit et qui est membre de l'Église. Elle contient en elle des mystères inaccessibles aux investigations de la raison et découverts seulement à Dieu même et à qui Dieu les découvre pour une connaissance non point extérieure et morte, mais vivante et intérieure. Elle contient en elle le mystère de l'Être divin, non seulement par rapport à Son action extérieure sur la Création, mais aussi par rapport à Son existence intérieure éternelle.
C'est pourquoi l'orgueil de la raison et de la domination illégale, qui s'est arrogé, en opposition à la décision de toute l'Église (exprimée au Concile d'Éphèse), le droit d'ajouter au Symbole de Nicée-Constantinople ses propres explications et ses hypothèses humaines, cet orgueil est déjà en soi une infection contre la sainteté et l'inviolabilité de l'Église.
Comme cet orgueil des Églises séparées, qui ont osé modifier le Symbole de toute l'Église sans l'accord de leurs frères, ne fut pas inspiré par l'Esprit d'amour et fut un crime contre Dieu et la sainte Église, de même leur sagesse aveugle, n'ayant pas compris les Mystères de Dieu, fut une altération de la foi. Car la foi ne se conserve pas là où l'amour s'est appauvri. C'est pourquoi l'addition des mots "filioque" ["et du Fils", en latin dans le texte; ndt] renferme une sorte de dogme imaginaire, ignoré de tous les écrivains agréables à Dieu, de tous les évêques ou successeurs des Apôtres aux premiers siècles de l'Église, un dogme que le Christ Sauveur n'a pas exprimé.
Comme le Christ l'a exprimé clairement, l'Église aussi n'a cessé de confesser et confesse clairement que le Saint-Esprit procède du Père car ce ne sont pas seulement les mystères extérieurs de Dieu, mais aussi les mystères intérieurs qui ont été révélés par le Christ et par l'Esprit de foi aux saints Apôtres et à la sainte Église. Lorsque Théodoret appela blasphémateurs tous ceux qui confessaient la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils, l'Église, alors, qu'elle décelait ses multiples erreurs, approuva sur ce point son jugement par un silence éloquent (3).
L'Église ne nie pas que l'Esprit-Saint est envoyé non seulement par le Père, mais aussi par le Fils; l'Église ne nie pas que le Saint-Esprit Se communique à toute créature raisonnable non seulement à partir du Père, mais aussi par le Fils; mais l'Église rejette que l'Esprit-Saint tienne Son principe de procession au sein même de la divinité non du Père seul, mais encore du Fils. Celui qui a renié l'Esprit d'amour, qui s'est lui-même dépouillé des dons de la grâce, ne peut plus posséder la connaissance intérieure, c'est-à-dire la foi, mais il se limite à la connaissance extérieure : aussi ne peut-il plus connaître que l'extérieur, non les mystères intérieurs de Dieu. Les communautés chrétiennes qui se sont séparées de la sainte Église n'ont plus pu confesser (puisqu'elles ne pouvaient plus saisir par l'Esprit) la procession du Saint-Esprit au sein de la divinité à partir du Père seul; mais elles durent se contenter de confesser la mission extérieure de l'Esprit en toute créature, mission temporaire qui s'accomplit non seulement à partir du Père, mais aussi par le Fils. Elles ont gardé l'élément extérieur de la foi, mais ont perdu le sens intérieur et la grâce de Dieu non seulement dans leur confession de foi, et aussi dans leur vie même.
(3) Lorsque l'Église ne réfute pas un écrivain, son silence est très significatif. Mais lorsque l'Église ne rejette pas une accusation portée contre telle ou telle doctrine, son silence constitue une accusation formelle; car en ne rejetant pas cette accusation, elle la confirme de toute son autorité.
VIII – L'Église et ses Mystères
Ayant confessé sa foi en la Divinité Tri-hypostatique [Dieu tri-Personnel; ndt], l'Église confesse sa foi en elle-même, parce qu'elle se reconnaît instrument et réceptacle de la grâce divine et qu'elle tient ses œuvres pour œuvres de Dieu, non pour œuvres des individus qui la constituent visiblement. Dans cette confession elle montre que la connaissance de son essence et de son être constitue également un don de la grâce, don qui lui vient d'En Haut et n'est accessible qu'à la foi, et non à la raison.
Car quel besoin aurais-je de dire : "Je crois", si je savais déjà? La foi n'est-elle pas la conviction des choses invisibles? Mais l'Église visible n'est pas la société visible des Chrétiens, elle est l'Esprit de Dieu et la grâce des Sacrements qui vivent dans cette société. Dès lors, l'Église visible même n'est visible qu'au croyant, car pour le non-croyant le Sacrement n'est qu'un rite et l'Église qu'une société. Le croyant, lui, a beau ne voir l'Église par les yeux du corps et de la raison que dans ses manifestations extérieures, il la reconnaît pourtant par l'Esprit dans les Sacrements, la prière et les œuvres qui plaisent à Dieu. Aussi ne la confond-il pas avec la société de ceux qui portent le nom de chrétiens, car ce ne sont pas tous ceux qui disent "Seigneur, Seigneur", qui appartiennent effectivement à la race choisie et à la postérité d'Abraham. Mais, par la foi, le vrai Chrétien sait que l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique ne disparaîtra jamais de la face de la terre jusqu'au Jugement Dernier de toute la Création; il sait que, sur terre, elle demeure invisible aux yeux de la chair et à l'esprit qui n'a qu'une sagesse charnelle, invisible au sein de la société visible des chrétiens, - tout comme, dans l'Église d'outre-tombe, elle demeure visible aux yeux de la foi, mais invisible aux yeux du corps. Par la foi, le Chrétien sait aussi que l'Église sur la terre, bien qu'invisible, revêt toujours une forme visible; qu'il n'y a pas eu, qu'il n'a pu y avoir et qu'il n'y aura pas d'époque où seraient défigurés les Sacrements, tarie la sainteté, corrompue la doctrine; et que nul n'est Chrétien s'il ne peut dire où, dès le temps même des Apôtres, se sont accomplis et continuent à s'administrer les saints Sacrements, où la doctrine a été et demeure sauvegardée, où les prières ont été adressées au Trône de la Grâce et ne cessent de l'être. La sainte Église confesse et croit que jamais les brebis n'ont été privées de leur Divin Pasteur et que l'Église n'a jamais pu ni se tromper par manque d'intelligence -car en elle vit l'intelligence de Dieu - ni se soumettre à des doctrines erronées par manque de courage - car en elle vit la force de l'Esprit de Dieu.
Croyant en la parole de la Promesse de Dieu, qui a appelé tous ceux qui suivent la doctrine du Christ amis du Christ et Ses frères, en Lui fils adoptifs de Dieu, la sainte Église confesse les voies par lesquelles il plaît à Dieu de conduire l'humanité déchue et morte à une restauration de l'unité dans l'Esprit de Grâce et de Vie. C'est pourquoi, ayant fait mémoire des prophètes qui représentent l'époque de l'Ancien Testament, elle confesse les Sacrements par lesquels, dans l'Église du Nouveau Testament, Dieu envoie Sa Grâce aux hommes, et elle confesse spécialement le Sacrement du Baptême pour la rémission des péchés, comme contenant en lui le principe de tous les autres; car c'est par le Baptême seul que l'homme entre dans l'unité de l'Église, qui garde les autres Sacrements.
Confessant un seul Baptême pour la rémission des péchés, comme un Sacrement ordonné par le Christ Lui-même pour accéder à l'Église du Nouveau Testament, l'Église ne juge pas ceux qui ne sont pas entrés en communion avec elle par le Baptême, car elle ne connaît et ne juge qu'elle-même. Dieu seul connaît l'endurcissement du cœur, et Il juge les faiblesses de la raison selon la vérité et la miséricorde. Beaucoup ont été sauvés et ont eu part à l'héritage sans avoir reçu le Sacrement du Baptême d'eau, car il n'a été établi que pour l'Église du Nouveau Testament. Quiconque le rejette, rejette toute l'Église et l'Esprit de Dieu Qui vit en elle; mais il n'a pas été ordonné depuis toujours à l'humanité, ni prescrit à l'Église de l'Ancien Testament. Si quelqu'un dit, en effet, que la circoncision a été le Baptême de l'Ancien Testament, il refuse alors le Baptême aux femmes - car pour elles il n'y avait pas de circoncision; et que dira-t-il des patriarches, d'Adam à Abraham, qui n'ont pas reçu le sceau de la circoncision? Et, en tout cas, ne reconnaît-il pas qu'en dehors de l'Église du Nouveau Testament le sacrement de Baptême n'a pas été d'obligation? S'il dit que c'est pour l'Église de l'Ancien Testament que le Christ a reçu le Baptême, alors qui mettra une limite à la miséricorde de Dieu, Qui a pris sur Lui les péchés du monde? Le Baptême est d'obligation; car lui seul est la porte de l'Eglise du Nouveau Testament, et c'est seulement dans le Baptême que l'homme manifeste son assentiment à l'œuvre rédemptrice de la Grâce. Aussi n'est-il sauvé que dans le seul Baptême.
En outre, nous savons que, tout en confessant un seul Baptême comme principe de tous les Sacrements, nous ne rejetons pas pour autant les autres; car, en croyant à l'Église, nous confessons, d'un commun accord avec elle, 7 Sacrements [catégorisation pédagogique, pas dogmatique; ndt] à savoir le Baptême, l'Eucharistie, l'Imposition des Mains (Saints Ordres, Ordination), la Chrismation, le Mariage, la Confession, l'Onction des Malades. Il y a encore bien d'autres Sacrements; car toute œuvre accomplie dans la foi, l'espérance et la charité, est inspirée à l'homme par l'Esprit de Dieu et invoque la Grâce invisible de Dieu.
Mais les 7 Sacrements ne sont pas, en réalité, l'œuvre d'un seul individu digne de la faveur de Dieu, mais l'œuvre de toute l'Église dans un seul individu, tout indigne qu'il puisse être.
Concernant le Sacrement de l'Eucharistie, la sainte Église enseigne qu'en lui s'opère véritablement le changement du pain et du vin en le Corps et le Sang du Christ. Elle ne rejette pas le mot de "transsubstantiation"; mais elle ne lui assigne pas ce sens matériel qui lui est assigné par les docteurs des Églises qui se sont séparées. Le changement du pain et du vin en le Corps et le Sang du Christ est accompli dans l'Église et pour l'Église. Celui qui reçoit les saintes Espèces avec foi, ou qui les adore avec foi, ou qui y pense avec foi, c'est en toute réalité qu'il reçoit le Corps et le Sang du Christ, les adore, et y pense. Celui qui les reçoit indignement, celui-là rejette en toute réalité le Corps et le Sang du Christ; en tout cas, c'est le Corps et le Sang du Christ qui, dans la foi ou l'absence de foi, sanctifient ou condamnent. Mais ce Sacrement s'opère dans l'Église, il n'est ni pour le monde extérieur, ni pour le feu, ni pour l'animal sans raison, ni pour la corruption, ni pour l'homme qui n'a pas entendu la loi du Christ. Dans l'Église elle-même (nous parlons de l'Église visible), pour les élus et pour les réprouvés, la sainte Eucharistie n'est pas simple mémorial du mystère de la Rédemption, ni présence de dons spirituels dans le pain et le vin, ni simple réception spirituelle du Corps et du Sang du Christ, mais c'est Son Corps et Son Sang véritables. Ce n'est pas en esprit seul qu'il a plu au Christ de s'unir au croyant, mais bien par le Corps et le Sang, afin que l'union soit complète, qu'elle soit non seulement spirituelle, mais aussi corporelle. Sont également contraires à l'Église et les explications insensées sur la relation du saint Sacrement aux éléments et aux créatures irrationnelles (alors que le Sacrement a été établi seulement pour l'Église), et l'orgueil spirituel qui méprise le corps et le sang et qui rejette l'union corporelle au Christ. Ce n'est pas sans corps que nous ressusciterons, et nul esprit à part l'Esprit de Dieu, ne peut être dit totalement incorporel. Celui qui méprise le corps pèche par orgueil de l'esprit.
Sur le sacrement de l'Ordination, la sainte Église enseigne que par lui la grâce qui opère les Sacrements se transmet par voie de succession depuis les Apôtres et le Christ lui-même : non pas comme si nul Sacrement ne pouvait être opéré autrement que par l'Ordination (car tout Chrétien peut par le baptême ouvrir la porte de l'Église à un enfant, à un Juif, à un païen), mais en ce que l'Ordination contient en elle toute la plénitude de la Grâce que le Christ donne à son Église. Et l'Église elle-même, en communiquant à ses membres la plénitude des dons spirituels, a fixé, en vertu de la liberté qu'elle a reçue de Dieu, des différences de degré dans l'Ordination. Autre est le don pour le prêtre qui opère tous les Sacrements excepté l'Ordination, autre le don pour l'évêque qui accomplit l'Ordination; et au-dessus du don de l'épiscopat il n'y a absolument rien. Le Sacrement donne à celui qui le reçoit cette grande importance : tout indigne puisse-t-il être, son action désormais, lorsqu'il accomplit son ministère sacramentel, ne procède nécessairement plus de lui-même, mais de toute l'Église, c'est-à-dire du Christ Qui vit en elle. Si l'Ordination cessait, tous les Sacrements cesseraient de même, sauf le Baptême; et l'humanité serait arrachée à la Grâce : car alors l'Église elle-même témoignerait que le Christ l'a abandonnée.
Sur le Sacrement de Chrismation [Confirmation par le Chrême], l'Église enseigne qu'en lui le Chrétien reçoit les dons du Saint-Esprit, Qui confirme sa foi et sa sainteté intérieure. Et ce Sacrement est opéré, selon la volonté de la sainte Église, non pas par les seuls évêques, mais aussi par les prêtres, encore que le Chrême lui-même ne puisse être consacré que par un évêque.
Sur le Sacrement de Mariage, la sainte Église enseigne que la grâce de Dieu, qui bénit la succession des générations dans l'existence temporelle de l'humanité et la sainte union de l'homme et de la femme pour l'organisation de la famille, cette grâce est un don sacramentel qui impose à ceux qui le reçoivent une éminente obligation d'amour mutuel et une sainteté spirituelle, par lesquels ce qui autrement serait pécheur et matériel se revêt de justice et de pureté. Aussi les Apôtres, ces grands docteurs de l'Église, reconnaissent-ils le Sacrement de Mariage même chez les païens; car, alors qu'ils interdisent le concubinage, ils confirment le mariage entre païens et Chrétiens, en disant que l'homme est sanctifié par la femme croyante, et la femme par l'homme croyant (1 Cor. 7, 14). Ces paroles de l'Apôtre ne signifient pas que l'incroyant soit sauvé par son union au croyant, mais que le mariage est sanctifié : car ce n'est pas l'être humain qui est sanctifié, mais bien le mari ou la femme. L'être humain n'est pas sauvé par un autre être humain, mais mari ou femme sont sanctifiés en relation au mariage lui-même. Ainsi le mariage n'est pas impur, même chez les idolâtres; mais ils ne connaissent pas la grâce de Dieu qui leur a été donnée. La sainte Église, par ses ministres ordonnés, reconnaît et bénit l'union de l'homme et de la femme, union bénie de Dieu. Aussi le Mariage n'est-il pas un simple rite, mais un véritable Sacrement. Et il reçoit son achèvement dans la sainte Église, car c'est en elle seule que toute chose sainte s'accomplit en sa plénitude.
Sur le sacrement de Confession [ou de Pénitence], la sainte Église enseigne que sans lui l'esprit humain ne peut être purifié de l'esclavage du péché et de l'orgueil pécheur; qu'il ne peut pas lui-même absoudre ses propres péchés (car nous ne sommes maîtres que de nous accuser, non de nous justifier); et que seule l'Église a pouvoir de justifier, car en elle vit la plénitude de l'Esprit du Christ. Nous savons que le premier-né au Royaume des Cieux, après le Sauveur, est entré dans le sanctuaire de Dieu en s'accusant lui-même, c'est-à-dire par le sacrement de Confession; il dit en effet "car nous recevons selon nos œuvres", et il reçut l'absolution de Celui Qui seul peut absoudre et Qui absout par la bouche de Son Église.
Sur le sacrement d'Onction avec de l'huile consacrée, c'est-à-dire d'Onction des Malades, la sainte Église enseigne qu'en lui s'opère la bénédiction de tout le combat (2 Tim. 4,7) que l'homme a enduré durant sa vie sur terre, de toute la route qu'il a parcourue dans la foi et l'humilité; et que dans l'Onction des Malades s'exprime le Jugement même de Dieu sur le composé terrestre de l'homme, le guérissant lorsque tous les remèdes sont impuissants, ou bien permettant à la mort de ruiner ce corps corruptible, désormais inutile à l'Église terrestre, ou les voies mystérieuses de Dieu.
IX – Foi et Vie dans l'Unité de l'Église
L'Église, même sur terre, vit non pas d'une vie humaine et terrestre, mais d'une vie divine, d'une vie de grâce. Voilà pourquoi ce n'est pas seulement chacun de ses membres, c'est l'Église elle-même tout entière qui solennellement se proclame l'Église "Sainte". Sa manifestation visible est contenue dans les Sacrements; mais sa vie intérieure réside dans les dons du Saint-Esprit, dans la foi, l'espérance et l'amour. Asservie et persécutée par ses ennemis extérieurs, parfois agitée et déchirée par les passions mauvaises de ses enfants, elle s'est conservée et toujours se conservera imperturbablement partout où immuablement se conservent les Sacrements et la sainteté spirituelle. Jamais elle n'est défigurée et jamais elle n'a besoin de réforme. Elle ne vit pas sous une loi d'esclavage, mais sous une loi de liberté.
Elle ne reconnaît sur elle aucun pouvoir excepté le sien propre, aucun jugement excepté le jugement de la foi (car la raison ne la comprend pas), et elle exprime son amour, sa foi et son espérance, par ses prières et ses rites, que lui inspirent l'Esprit de vérité et la grâce du Christ. C'est pourquoi ses rites mêmes, s'ils ne sont pas immuables (car ils sont l'œuvre de l'esprit de liberté et peuvent être changés au jugement de l'Église), ne peuvent jamais et en aucun cas contenir fût-ce le moindre mélange d'erreur ou de doctrine erronée. Et les rites (de l'Église), tant qu'ils n'ont pas changé, sont d'obligation pour les membres de l'Église, car c'est dans leur observation que réside la joie de la sainte unité.
L'unité extérieure est l'unité manifestée dans la communion des Sacrements; tandis que l'unité intérieure est unité d'esprit. Beaucoup ont été sauvés (par exemple certains martyrs) sans avoir participé même à un seul des Sacrements de l'Église (pas même au Baptême), mais nul n'est sauvé sans avoir eu part à la sainteté intérieure de l'Église, à sa foi, à son espérance et à son amour; car ce ne sont pas les œuvres qui sauvent, mais la foi. Et la foi, la foi véritable et vivante, n'est pas double, mais unique. Aussi sont-ils insensés et ceux qui disent que la foi seule ne sauve pas, mais qu'il faut encore les œuvres, et ceux qui disent que la foi sauve sans les œuvres; car s'il n'y a pas d'œuvres, la foi s'avère morte; et si elle est morte, elle n'est pas véritable, car dans la foi véritable se trouve le Christ, vérité et vie; et si elle n'est pas véritable, elle est erronée, c'est-à-dire elle est une connaissance extérieure. Mais ce qui est faux peut-il sauver? Que si elle est véritable, alors elle est vivante, c'est-à-dire accomplissant des œuvres, et si elle les accomplit, alors quelles œuvres sont encore requises?
L'Apôtre divinement inspiré dit : "Montre-moi par tes œuvres la foi dont tu te vantes, tout comme moi-même je montre ma foi par mes œuvres." Confesse-t-il deux fois? Non, mais il dénonce une prétention insensée. "Tu crois en Dieu, mais les démons mêmes croient" (Jac. 2, 19). Est-ce qu'il reconnaît aux démons de la foi? Non, mais il réfute l'erreur qui se vante d'une qualité que possèdent les démons eux-mêmes. "Comme le corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les œuvres" (Jac. 2, 26). Est-ce qu'il met en parallèle la foi avec le corps, et les œuvres avec l'esprit? Non, car une telle comparaison serait inexacte; mais le sens de ses paroles est clair. De même qu'un corps sans âme n'est plus un homme et ne peut plus être appelé homme, mais cadavre; de même la foi qui ne produit pas d'œuvres ne peut être appelée foi véritable, mais mensongère, c'est-à-dire connaissance extérieure, stérile, et accessible même aux démons. Ce qui a été écrit simplement doit aussi être lu simplement. C'est pourquoi ceux qui se fondent sur l'Apôtre Jacques pour prouver qu'il y a une foi morte et une foi vive, comme s'il y avait 2 fois, ceux-là ne saisissent pas le sens des paroles de l'Apôtre; car l'Apôtre ne témoigne pas pour eux mais contre eux. Pareillement, lorsque le grand Apôtre des Nations dit : "A quoi sert une foi sans amour, fût-ce une foi capable de soulever les montagnes?" (cf. 1 Cor. 13, 2), il n'affirme pas la possibilité d'une telle foi sans l'amour; mais, l'imaginant à titre d'hypothèse, il en proclame l'inutilité. Ce n'est pas avec l'esprit de la sagesse du monde, qui discute sur les mots, qu'il faut lire la sainte Écriture, mais avec l'Esprit de la sagesse de Dieu, et avec la simplicité spirituelle. L'Apôtre, définissant la foi (Heb., 11, 1), dit : "Elle est la conviction des choses invisibles, la confirmation de celles qu'on espère" (et non pas seulement de celles qu'on attend ou qui doivent arriver); or si nous espérons, nous souhaitons; et si nous souhaitons, nous aimons, car impossible de souhaiter ce qu'on n'aime pas. Ou bien est-ce que les démons ont aussi l'espérance? Voilà pourquoi il n'y a qu'une foi; et quand nous demandons : "La foi véritable peut-elle sauver sans les œuvres?", nous posons alors une question stupide, ou, pour mieux dire, nous ne demandons rien du tout; car la foi véritable est vivante et opère les œuvres; elle est la foi dans le Christ et le Christ dans la foi.
Ceux qui ont pris pour foi véritable la foi morte, c'est-à-dire une foi mensongère, une connaissance extérieure, sont allés dans leur égarement jusqu'à faire, sans s'en rendre compte, de cette foi morte un 8ème sacrement. L'Église possède la foi, mais c'est la foi vivante; car elle possède aussi la sainteté. Qu'un homme ou un évêque doive nécessairement posséder la foi, que devons-nous dire? Qu'il possède aussi la sainteté? Non, car il est connu comme criminel et débauché. Mais la foi demeure en lui, tout pécheur qu'il est. Et ainsi sa foi est en lui un 8ème Sacrement, puisque tout Sacrement est une action de l'Église sur l'individu, fût-il indigne. Mais par ce Sacrement, quelle sorte de foi demeure en lui? Foi vivante? Non, puisqu'il est criminel. Mais une foi morte, c'est-à-dire connaissance extérieure, accessible même aux démons. Et cela, serait-ce un 8ème sacrement? Un tel écart hors de la vérité se condamne de lui-même (4).
Il faut comprendre que ce qui sauve, ce n'est ni la foi, ni l'espérance, ni l'amour - car est-ce la foi dans la raison qui sauvera? Est-ce l'espérance dans le monde? Est-ce l'amour pour la chair? Non, ce qui sauve, c'est l'objet de la foi. Vous croyez au Christ, c'est par le Christ que vous êtes sauvés dans la foi; vous croyez à l'Église, c'est par l'Église que vous êtes sauvés; vous croyez aux Sacrements du Christ, c'est par eux que vous êtes sauvés; car le Christ notre Dieu est dans l'Église et dans les Sacrements. L'Église de l'Ancien Testament a été sauvée par la foi au Rédempteur à venir.
Abraham a été sauvé par le même Christ que nous. Il possédait le Christ en espérance, nous Le possédons dans la joie. C'est pourquoi celui qui désire le Baptême est baptisé dans son désir; celui qui a reçu le Baptême possède le Baptême dans la joie; ce qui les sauve tous 2, c'est une seule et même foi au Baptême. Mais quelqu'un pourrait dire "Si la foi au Baptême sauve, à quoi bon se faire encore baptiser?" Et que désire-t-il en réalité, s'il ne reçoit pas le Baptême? Il est évident que la foi qui désire le Baptême doit s'achever dans la réception du Baptême lui-même, qui en est la joie. C'est pourquoi la maison de Corneille reçut l'Esprit-Saint sans avoir encore reçu le Baptême, tandis que l'eunuque fut rempli du même Esprit à la suite de son Baptême (Actes 10, 44-47; 8, 38; cf. 2, 38). Car Dieu peut glorifier le Sacrement de Baptême avant son administration tout aussi bien qu'après. Ainsi disparaît la différence entre "opus operans" et "opus operatum". Nous savons bien que beaucoup n'ont pas baptisé les petits enfants, que beaucoup ne les ont pas admis à la Communion aux saints Mystères, que beaucoup ne les ont pas chrismés; mais la sainte Église juge autrement, elle baptise et chrisme et admet à la Communion les petits enfants. Si elle en a disposé ainsi, ce n'était pas qu'elle condamnât les enfants non-baptisés, dont les Anges voient toujours la face de Dieu (Mt. 18,10); mais elle a ordonné cela en raison de l'amour qui vit en elle, afin que la toute première pensée de l'enfant qui accède à l'âge de raison ne fût plus seulement désir de recevoir, mais joie pour des Sacrements qu'il a déjà reçus. Et pouvez-vous connaître la joie que possède un enfant qui, de toute évidence, n'est pas encore parvenu à la raison? Est-ce que, avant même de naître, le Précurseur n'a pas tressailli de joie au sujet du Christ (Lc. 1,41)? Ceux qui ont refusé aux enfants le Baptême, la Chrismation et la sainte Communion, ce sont ceux qui, ayant hérité l'aveugle sagesse d'un paganisme aveugle, n'ont pas compris la grandeur des Sacrements de Dieu, mais ont exigé en toutes choses des raisons et des justifications, et, soumettant la doctrine de l'Église aux interprétations scolastiques, ne prieront même pas à moins qu'ils ne voient dans la prière quelque but immédiat ou profit. Mais notre loi n'est pas une loi d'esclaves et de mercenaires qui travaillent pour de l'argent, c'est une loi de fils adoptifs, une loi d'amour qui est libre.
Nous savons que si l'un de nous tombe, il tombe seul; mais nul ne se sauve seul. Celui qui se sauve, se sauve dans l'Église, en tant que membre de l'Église et en union avec tous ses autres membres. Si quelqu'un croit, c'est dans la communion de la foi; s'il aime, c'est dans la communion de l'amour; s'il prie, c'est dans la communion de la prière. Aussi nul ne peut-il espérer en sa propre prière, et chacun, lorsqu'il prie, implore l'intercession de toute l'Église, non pas comme s'il doutait de l'intercession du Christ, unique Médiateur, mais avec la conviction que toute l'Église prie toujours pour tous ses membres. Tous les Anges et les Apôtres prient pour nous, et les martyrs et les patriarches, et au-dessus d'eux tous la Mère de notre Seigneur, et cette unité sainte constitue la véritable vie de l'Église. Mais si l'Église visible et invisible prie sans cesse, à quoi bon lui demander des prières? Est-ce que nous n'implorons pas la grâce de Dieu et du Christ, bien qu'elle devance notre prière? Si donc nous demandons à l'Église ses prières, c'est justement parce que nous savons qu'elle donne le secours de son intercession même à celui qui ne le demande pas, mais qu'à celui qui le demande elle donne incomparablement plus qu'il n'a demandé : car en elle est la plénitude de l'Esprit de Dieu. Aussi glorifions-nous tous ceux que le Seigneur a glorifiés et glorifie; car comment dire que le Christ vit en nous si nous ne nous efforçons pas de ressembler au Christ? C'est pourquoi nous glorifions les saints, les Anges et les prophètes, mais plus qu'eux tous la Mère Toute-Pure du Seigneur Jésus, non pas en la reconnaissant comme conçue sans péché ou comme parfaite (car seul le Christ est sans péché et parfait), mais en nous rappelant qu'à sa prééminence inconcevable au-dessus de toutes les créatures de Dieu, rendent témoignage et l'Ange et Elisabeth et surtout le Sauveur Lui-même, Qui lui a attribué Son grand Apôtre, Jean le Théologien, pour lui obéir comme un fils et pour la servir.
De même que chacun de nous a besoin des prières de tous, de même chacun aussi doit à tous ses propres prières, aux vivants comme aux morts, et même à ceux qui ne sont pas encore nés; car quand nous prions, comme nous le faisons avec toute l'Église, afin que le monde parvienne à la vraie connaissance de Dieu, nous prions non seulement pour les générations présentes, mais aussi pour celles que Dieu appellera encore à la vie. Nous prions pour les vivants, afin que la Grâce du Seigneur soit sur eux, et pour les morts, afin qu'ils deviennent dignes de voir la Face de Dieu.
Nous ne savons rien d'un état intermédiaire des âmes qui ne seraient ni accueillies dans le Royaume de Dieu ni condamnées au supplice, car sur un tel état nous n'avons pas reçu d'enseignement ni des Apôtres ni du Christ. Nous ne reconnaissons pas le purgatoire, c'est-à-dire la purification des âmes par des souffrances dont elles pourraient être rachetées par leurs propres œuvres ou par celles d'autrui : car l'Église ne sait rien d'un Salut obtenu par des moyens extérieurs et par quelques souffrances que ce soit, hormis celles du Christ; elle ne sait rien d'un marchandage avec Dieu en vue de se racheter de la souffrance par de bonnes œuvres.
Tout ce paganisme demeure chez les héritiers de la sagesse païenne, chez ceux qui se targuent d'un lieu, d'un nom, d'un domaine territorial, et qui ont institué le 8ème sacrement de la foi morte. Mais nous, nous prions dans l'Esprit d'Amour, sachant que nul ne se sauvera que par la prière de toute l'Église en laquelle vit le Christ, sachant et espérant que, tant que n'est pas arrivé l'accomplissement des temps, tous les membres de l'Église, vivants et morts, ne cessent de se parfaire par une prière mutuelle. Les saints que Dieu a glorifiés sont bien au-dessus de nous, mais au-dessus de tout est la sainte Église, qui réunit en elle tous les saints et qui prie pour tous, comme on peut le voir dans la Liturgie divinement inspirée. Dans sa prière se fait entendre aussi notre prière, si indignes que nous soyons d'être appelés fils de l'Église. Si, en vénérant et glorifiant les saints, nous demandons que Dieu les glorifie, nous ne tombons pas sous le grief d'orgueil; car à nous qui avons reçu permission d'appeler Dieu "notre Père", permission a été donnée aussi de faire cette prière "Que Ton Nom est sanctifié, que Ton Règne vienne et que Ta volonté soit faite." Si donc il nous est permis de demander à Dieu qu'Il glorifie Son Nom et accomplisse Sa volonté, qui nous empêchera de Lui demander de glorifier Ses saints et de donner la paix à Ses élus? Mais nous ne prions pas pour ceux qui ne sont pas élus, comme le Christ lui-même n'a pas prié pour le monde entier, mais pour ceux que le Seigneur Lui a donnés (Jn. 17). Ne dites pas : "Quelle prière pourrais-je accorder au vivant ou au mort, alors que ma prière est insuffisante même pour moi?" Car si vous ne savez pas prier, à quoi bon prieriez-vous aussi pour vous-même? Mais c'est l'Esprit d'Amour qui prie en vous.
Que nul ne dise : "A quoi bon ma prière pour tel autre, alors qu'il prie lui-même et que le Christ lui-même intercède pour lui?" Quand vous priez, c'est l'Esprit d'Amour Qui prie en vous.
De même, que nul ne dise non plus : "Quel bien apporterait ma prière à autrui, lorsqu'il prie déjà pour lui-même, et que le Christ Lui-même intercède pour lui?" Lorsqu'un homme prie, c'est l'Esprit d'amour qui prie en lui.
Qu'il ne dise pas pour autant "A présent il est impossible de changer le Jugement de Dieu," car sa prière est elle-même dans les voies de Dieu, et Dieu l'a prévue. Si vous êtes membre de l'Église, alors votre prière est indispensable pour tous ses membres. Et si la main dit qu'elle n'a pas besoin du sang du reste du corps et si elle ne lui donne pas son propre sang, la main se desséchera. Pareillement vous aussi, vous êtes indispensable à l'Église tant que vous êtes en elle; et si vous vous refusez à sa communion, vous vous perdez vous-même et cesserez désormais d'être membre de l'Église. L'Église prie pour tous, et nous tous ensemble prions pour tous; mais notre prière doit être véritable, elle doit être une expression véritable de l'amour et non des paroles creuses. Incapables d'aimer tous les hommes, nous prions pour ceux que nous aimons et notre prière n'est pas hypocrite; car nous demandons à Dieu de pouvoir les aimer tous et prier pour eux tous sans hypocrisie. Le sang de l'Église, c'est la prière des uns pour les autres, et sa respiration c'est de glorifier Dieu. Nous prions en l'Esprit d'Amour et non en l'esprit de profit, en l'Esprit de la liberté des fils et non en l'esprit de la loi des mercenaires qui demandent un salaire. Quiconque demande "A quoi sert de prier?" s'avère esclave. La prière véritable est véritable amour.
L'amour et l'unité sont au-dessus de tout; et l'amour s'exprime de mainte façons : par les œuvres, par la prière et par le cantique spirituel. L'Église bénit toutes ces expressions de l'amour. Si quelqu'un ne sait exprimer son amour pour Dieu par des mots et l'exprime par une représentation visible, une Icône, est-ce que l'Église le condamnera? Non, mais elle condamnera celui qui le condamne, car il condamne l'amour de l'autre. Nous savons que même sans Icône on peut être sauvé et on l'a été, mais si l'amour de son frère s'exprime par l'Icône, il sera aussi sauvé sans Icône; mais si l'Amour de son frère réclame une Icône, alors en condamnant l'Amour de son frère, on se condamne soi-même; et si, parce que Chrétien, on n'ose pas écouter sans respect la prière ou le cantique spirituel fait par son frère, comment oserait-on regarder sans respect l'Icône qu'a réalisée son amour, et non pas son art? Le Seigneur Lui-même, Qui connaît le secret des cœurs, a bien voulu parfois glorifier une prière ou un Psaume, Lui interdira-t-on de glorifier une Icône ou les tombeaux des saints? Quelqu'un pourrait dire : "L'Ancien Testament a interdit de représenter Dieu"; mais celui qui croit mieux comprendre que la sainte Église les paroles (c'est-à-dire les Écritures) qu'elle a elle-même écrites, ne comprend-t-il pas que l'Ancien Testament n'a pas interdit de représenter Dieu (car il a autorisé les chérubins, le serpent d'airain et la transcription du Nom divin), mais qu'il a interdit à l'homme de se faire un Dieu à la ressemblance de quelque objet que ce fût, terrestre ou céleste, visible ou même imaginaire?
Si quelqu'un peint une Icône pour se rappeler le Dieu invisible et inconcevable, il ne se crée pas une idole. Mais s'il s'imagine Dieu et s'il pense qu'Il est semblable à son imagination, il se fait une idole. Tel est le sens de l'interdiction de l'Ancien Testament. Mais l'Icône (cette façon d'écrire en couleurs le Nom divin) ou encore la représentation des saints, réalisé avec amour, n'est pas interdit par l'Esprit de vérité. Dès lors que nul ne dise : "Les Chrétiens passent à l'idolâtrie". Car l'Esprit du Christ, Qui protège l'Église, est plus sage que cette sagesse calculatrice. C'est pourquoi on peut être sauvé même sans Icône, mais on n'a pas le droit de repousser les Icônes.
L'Église accepte tout Rite qui exprime l'élan spirituel vers Dieu tout comme elle accueille la prière et l'Icône mais au-dessus de tous les Rites elle reconnaît la Divine Liturgie, où s'exprime toute la plénitude de la doctrine et de l'esprit de l'Église, et cela non pas par des symboles et des signes conventionnels, mais par la Parole de Vie et de Vérité inspirée d'En Haut. Celui-là seul comprend l'Église, qui connaît (comprend) la Liturgie. Au-dessus de tout il y a l'unité de la Sainteté et de l'amour.
(4). En effet l'infaillibilité dans la foi morte est, de soi, une erreur, comme aussi le caractère mortel apparaît dans le fait que cette infaillibilité est rattachée à des objets de la nature morte, un lieu de résidence, des murailles mortes, une succession épiscopale, un siège. Mais nous savons qui, au temps de la Passion du Christ, siégeait dans la chaire de Moïse.
X - Salut
La sainte Église, en confessant qu'elle attend la Résurrection des morts et le Jugement Dernier de toute l'humanité, reconnaît que l'achèvement de tous ses membres s'accomplira avec son propre achèvement, et que la vie à venir n'appartient pas seulement à l'esprit, mais au corps spirituel; car Dieu seul est Esprit parfaitement incorporel. C'est pourquoi elle rejette l'orgueil de ceux qui prêchent la doctrine de l'incorporéité outre-tombe et, par suite, méprisent ce corps dans lequel le Christ est ressuscité. Ce corps-là ne sera pas un corps de chair, mais il sera à la ressemblance de la corporéité des Anges, le Christ Lui-même ayant dit que nous serons semblables aux Anges.
Au Jugement Dernier, notre justification dans le Christ se manifestera dans sa plénitude; non seulement notre sanctification, mais aussi notre justification; car nul n'a été sanctifié et n'est sanctifié pleinement, mais il lui faut encore la justification. Tout bien est opéré en nous par le Christ, que ce soit dans la foi, dans l'espérance ou dans l'amour; nous ne faisons que nous soumettre à Son œuvre; mais nul ne se soumet pleinement. C'est pourquoi il faut encore la justification par les souffrances et par le sang du Christ. Qui donc peut encore parler du mérite de ses propres œuvres ou d'un trésor de mérites et de prières? Ceux-là seuls qui vivent encore sous la loi de l'esclavage. Tout bien est opéré en nous par le Christ, mais nous, jamais nous ne nous soumettons pleinement, aucun d'entre nous, pas même les saints, comme le disait le Sauveur Lui-même. Tout est l'œuvre de la grâce, et la grâce est donnée gratuitement, et elle est donnée à tous afin que nul ne puisse murmurer; cependant non pas également à tous, non pas selon la prédestination, mais selon la prescience, comme le dit l'Apôtre. Et un moindre talent est donné à celui chez qui le Seigneur prévoyait la négligence, afin que le rejet d'un plus grand don ne contribuât pas à une plus grande condamnation. Et ce n'est pas nous qui faisons fructifier les talents reçus : ils sont confiés aux échangeurs, afin que, même là, il n'y ait pas de mérite de notre part, mais seulement la non-résistance à la Grâce qui fait fructifier. Ainsi disparaît la distinction entre grâce "suffisante" et grâce "efficace". Tout est œuvre de la Grâce. Si vous vous soumettez à elle, le Seigneur S'accomplit en vous et vous accomplit; mais ne vous enorgueillissez pas de votre soumission, car votre soumission elle-même vient de la Grâce. Jamais nous ne nous soumettons pleinement; c'est pourquoi, en plus de la sanctification, nous demandons aussi la justification.
Tout est consommé dans la consommation du Jugement général, et l'Esprit de Dieu, c'est-à-dire l'Esprit de Foi, d'Espérance et d'Amour, Se révélera dans toute Sa plénitude, et tous les dons atteindront leur pleine perfection; mais, au-dessus de tous, il y aura l'Amour. Toutefois il ne faut pas penser que la foi et l'espérance, ces dons de Dieu, périront (car ils sont inséparables de l'amour), mais seul l'amour va conserver son nom, tandis que la foi, ayant atteint sa perfection, sera désormais une pleine connaissance intérieure; et l'espérance sera joie, car nous savons, même ici-bas, que plus elle est forte, plus elle est joyeuse.
XI – Unité de l'Orthodoxie
Par la volonté de Dieu, la sainte Église, après la séparation de nombreux schismes, et après celle du Patriarcat de Rome, a été préservée dans les diocèses et Patriarcats Grecs, et seules peuvent se reconnaître comme pleinement
Chrétiennes les communautés qui conservent l'unité avec les Patriarcats Orthodoxes orientaux, ou qui entrent dans cette unité. Car il n'y a qu'un Dieu, et il n'y a qu'une Église, et il n'y a en elle ni discorde ni dissentiment [au niveau de la Foi; ndt].
C'est pourquoi l'Église s'appelle Orthodoxe ou Orientale ou Grecque-Russe; mais toutes ces appellations ne sont que des appellations temporaires. Il ne faut pas accuser l'Église d'orgueil parce qu'elle-même se nomme Orthodoxe, car elle-même se nomme également Sainte. Quand auront disparu les doctrines erronées, il n'y aura plus besoin du nom d'Orthodoxie, car il n'y aura plus de christianisme erroné. Quand l'Église se sera propagée, ou que sera entrée en elle la plénitude des peuples, alors disparaîtront toutes les dénominations locales; car l'Église n'est pas liée à quelque lieu que ce soit, et elle ne garde pas l'héritage de l'orgueil païen; mais elle-même se nomme Une, Sainte, Catholique et Apostolique, sachant que le monde entier lui appartient et que nul lieu n'a une importance particulière, mais ne peut servir et ne sert que temporairement à la glorification du nom de Dieu, selon Son insondable volonté.
Depuis http://users.edpnet.be/orthodoxes/revue/voile2006-04-gd1.pdf avec son excellent prologue et suivi d’une sorte d’épilogue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire